IntegrART: L’art ne connaît pas de frontières

Le projet du Pour-cent culturel Migros s’engage pour l’inclusion d’artistes en situation de handicap dans le monde de l’art et dans la société. Sa responsable de projet Isabelle Spirig raconte comment est né ce projet et présente sa vision d’avenir.

IntegrArt s'engage pour un élargissement du concept de culture par delà les frontières de la "norme". Qu'est-ce qui vous a incitée à créer ce festival en 2007?
Le constat que le travail de création et ses processus se modifient lorsque des personnes "hors-normes" y sont associées. Les processus se déroulent autrement - ils provoquent, ils créent et rencontrent des frictions, ils désespèrent et poussent à explorer de nouvelles possibilités, ils déplacent les priorités, ils provoquent de nouvelles modalités de jeu et de nouvelles formes artistiques ; bref, ils encouragent l'innovation et le changement. Notre horizon de réflexion et d'action s'en trouve élargi et enrichi, tant dans le travail créatif que dans la vie.

Comment s'est créé le lien avec les festivals locaux?
Plutôt que de créer un nouveau festival, le Pourcent culturel Migros a estimé que le soutien à des initiatives locales existantes et leur mise en réseau était pertinent. J'ai contacté les responsables de festivals et les ai invités à un échange. Ils ne se connaissaient pas tous et ont apprécié la mise en réseau. Ils ont été d'accord que la collaboration créait des synergies utiles à tous. Il est ainsi possible d'inviter des compagnies internationales à tourner et de s'adresser à un large public. Dans le cadre de ce réseau, les responsables de festival échangent à présent sur les contenus et les expériences vécues, ce qui est une source d'inspiration mutuelle.

Qu'est-ce qui relie et les quatre festivals partenaires et qu'est-ce qui les différencie les uns des autres?
Les quatre festivals ont une identité, une histoire et des accents thématiques propres. IntegrART les met en réseau. Il en va bien sûr de même pour leur vision commune d'un enrichissement des arts de la scène par la collaboration entre des professionnels de la culture avec et sans handicap. Nous croyons par ailleurs à l'inclusion de professionnels de la culture avec un handicap dans le domaine de la création artistique et la société. Quelles évolutions avez-vous constaté depuis le lancement d'IntegrART? Une grande curiosité et ouverture face à des oeuvres créées en collaboration entre des artistes avec et sans handicap.

Y a-t-il plus de partenaires, les partenaires ont-ils changé?
Le festival Okkupation ! de Zürich n'existe plus en 2015, tandis que le festival ORME de Lugano a rejoint le projet. Les responsables culturels de wildwuchs à Bâle et de DanseHabile de Genève ont par ailleurs changé. Un changement de direction modifie généralement la vision artistique.

Est-ce que le public a changé? Et si oui, comment?
Oui, le public s'est élargi. Auparavant, le public était principalement constitué de personnes intéressées par la thématique du handicap. Aujourd'hui, le public est mêlé, très au fait culturellement, curieux et critique.

Est-ce que la collaboration entre artistes a évolué ou s'est modifiée? Et si oui, comment?
La collaboration avec les artistes se modifie constamment - à chaque édition, nous travaillons par ailleurs avec de nouveaux artistes - et les artistes ne s'arrêtent jamais. La collaboration avec les artistes suisses s'est modifiée en ce que les ensembles BewegGrund à Berne, DanseHabile à Genève et DanzAbile à Lugano se professionnalisent et s'émancipent d'année en année. Le théâtre HORA a ainsi renoncé à participer au festival Okkupation ! à Zürich au profit d'une tournée de longue haleine.

Quelles sont les étapes-clef atteintes par IntegrART et qu'il aimerait encore atteindre?
La question de la professionnalisation des artistes en situation de handicap a été redéfinie. Aujourd'hui, est considérée comme professionnelle toute personne qui s'entraîne régulièrement et qui se produit régulièrement sur scène. Avant, il fallait suivre une formation professionnalisante officielle pour être reconnu comme tel. A présent se pose une autre question: est-ce que les écoles d'art invitent les personnes en situation de handicap à étudier chez elles? Quelle école de danse forme des danseurs avec un handicap? Cette question n'a pour l'instant pas reçu de réponse, mais devrait à l'avenir recevoir une réponse affirmative. IntegrART et ses partenaires ont posé des questions essentielles, dont certaines ont trouvé une réponse, d'autres pas encore...
Un objectif important est que les institutions culturelles s'intéressent aux demandes d'artistes en situation de handicap et ne les transfèrent pas au département des affaires sociales par crainte de ne savoir comment les gérer.
Un autre objectif-clef est que les représentations soient suivies par un public large, ouvert, intéressé par la culture et informé. Nous souhaitons aussi que les colloques IntegrART intéressent un vaste public de spécialistes comme les artistes sans handicap, les artistes en situation de handicap, les metteurs en scène, les programmateurs, les conseillers culturels, les journalistes. Nos publications constituent également des étapes-clef du projet: Theater der Zeit "Ästhetik versus Authentizität", 2012 Journal de l'adc Nr 66 - dossier "tous les corps sont dans ma nature", 2015
Une étape importante est aussi le nouveau projet du Fonds national de recherche scientifique " DisAbility on Stage ", avec IntegrART comme partenaire de projet.

Quels sont les formats de médiation proposés par les différents festivals ? Comment les évaluez-vous?
IntegrART s'adresse à un large public et en tournée des productions de danse professionnelles. Lors de ses colloques, IntegrART s'adresse à un public spécialisé. Les festivals proposent des formats de médiation divers et riches. Un format passionnant est le "Marché noir du savoir utile et inutile". Il s'agit d'une nouvelle proposition et je me réjouis de voir comment elle sera accueillie par le public.

La participation culturelle est mise à l'honneur dans le Message culture 2016-2019 de la Confédération. Qu'est-ce que cela signifie pour vous?
Cela signifie beaucoup pour l'inclusion de personnes avec un handicap dans la société et dans la vie culturelle! Pour IntegrART, cela signifie une bonne collaboration avec le BFEH (Bureau fédéral de l'égalité pour les personnes handicapées) et montre que la Confédération donne du poids à notre engagement.

Sur le long terme, quelles sont vos attentes et souhaits pour IntegrART?
L'objectif ultime d'integrART est de s'abolir ! Les productions avec la collaboration ou sous la direction d'artistes avec un handicap doivent être intégrées dans les saisons des théâtres ainsi que dans les grands festivals d'été. Le Theaterspektakel de Zürich le fait depuis des années, avec grand succès.

Zürich, le 19 mai 2015 / Isabella Spirig, responsable de projet DANSE - Fédération des coopératives Migros, initiatrice et responsable de projet pour IntegrART

Dates de la tournée IntegrART 2015